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Tétramorphe - 15/16

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Le tétramorphe

 

Le terme désigne étymologiquement un ensemble à quatre figures, à quatre visages. Dans l’art chrétien le tétramorphe est associé aux quatre évangélistes par la représentation d’un être humain pour Matthieu, d’un lion pour Marc, d’un taureau pour Luc et d’un aigle pour Jean. Mais c’est indépendamment des évangélistes que le tétramorphe apparaît déjà dans l’Apocalypse et auparavant chez le prophète Ezéchiel. Il a même des racines extrabibliques en Mésopotamie. Les « kerub » mésopotamiens (le pluriel de « kerub » est « kerubim », doú le français « chérubin ») sont des êtres hybrides, à tête humaine et corps animal composite. Ils ont une fonction de gardiens symboliques, par ex. à l’entrée d’un temple, et une fonction de marqueurs de la présence du sacré. A l’entrée des églises chrétiennes la première fonction se retrouve sous différentes autres formes. Lions, scène du jugement dernier, vierges sages et folles, saint Pierre et saint Paul associés au portail: tout cela sert de mise en garde à l’intention de celui qui pourrait entrer à la légère ou de façon sacrilège dans le sanctuaire. La deuxième fonction se retrouve dans lévolution du symbole du tétramorphe, d'Ezéchiel à l’Apocalypse d'abord, de l'Apocalypse à l’association ultérieure aux quatre évangélistes ensuite.

 

Le prophète Ezéchiel, exilé avec son peuple en Mésopotamie lors de la première déportation, y a certainement vu des « kerub» en nature et cela lui a peut-être fourni du matériau pour ses visions. Les « quatre êtres vivants» d’Ezéchiel 1, identifiés au chapitre 10 à des « chérubins », ont quelque chose à voir avec les « quatre piliers de la voûte céleste » et donc avec les quatre points cardinaux. Chez Ezéchiel les « quatre êtres vivants » sont porteurs (très mobiles !) du trône de Dieu. Ceci est un message de réconfort pour les déportés, privés de la présence de Dieu dans le temple de Jérusalem : même en terre étrangère Dieu peut instantanément les rejoindre et se porter à leur secours.

 

On retrouve les « quatre êtres vivants » (avec des différences par rapport à Ezéchiel) auprès du trône de Dieu et de l’Agneau dans la vision de saint Jean (chapitre 4 de l'Apocalypse).

 

En associant ultérieurement ces « quatre êtres vivants » aux quatre évangélistes, l’Eglise chrétienne a affirmé symboliquement que c’est dans la diversité de ces quatre expressions de l’unique Bonne Nouvelle que le Christ lui-même va aux quatre coins du monde, mais aussi que ces quatre évangiles (et non pas d’autres qu’on a fini par écarter) sont inspirés depuis le trône de Dieu.

 

Dans l’iconographie chrétienne (peinture, enluminure, sculpture, vitrail) les figures du tétramorphe sont presque toujours explicitement des symboles des évangélistes, soit par la simple adjonction d’un livre ou d’un parchemin, soit par la mention expresse du nom des évangélistes, soit par une double représentation (chaque fois un personnage plus ou moins typé accompagné de son symbole).

 

Dans l’art chrétien le tétramorphe sert d’une part à évoquer la gloire du Christ, dans la droite ligne de la vision de l’Apocalypse. Le Christ lui-même n’est alors pas toujours représenté, les «quatre êtres vivants» entourant simplement soit un agneau, soit une croix. La voûte de la chapelle saint Nicolas à Saint Pierre le Jeune peut être vue dans cette perspective. Ou bien le tétramorphe entoure le Christ lui-même, très souvent représenté dans une mandorle (une «amande» qui évoque le halo de lumière, c’est-à-dire la gloire de celui qui y trône). C’est dans cette tradition que se situe le haut du tympan du portail de Saint Pierre le Jeune.

Le tétramorphe  sert d’autre part à souligner l’autorité des évangiles: sur ou dans des évangéliaires, en forme de lutrin sous la seule forme de l’aigle (comme dans le chœur de Saint Pierre le Jeune), décorant des chaires, et fréquemment pour exprimer l’acte même de l’inspiration divine des évangiles. Dans ce dernier cas il y a «dédoublement»: l’évangéliste en train d’écrire sur terre et la figure du tétramorphe correspondante dans le ciel. C’est ce thème de l’inspiration divine des évangélistes qui sous-tend la peinture du jubé de Saint Pierre le Jeune.

 

A la cathédrale de Strasbourg le tétramorphe se trouve, à ma connaissance, (voir photos sur mon site) dans les voussures du portail central, dans la rose de la Nouvelle Alliance du transept sud, sur le pilier des anges, et deux fois sur la chaire.

         

 

 

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